Mettre la disponibilité à 99,9999 % de la 5G au service des usines numériques

par | 24/03/2021 | 5G, Industrie 4.0 | 0 commentaires

Avis d’expert de Brendan O’Dowd, directeur général Automatisation industrielle – Analog Devices

Jusqu’à la 5G, les générations de technologies mobiles qui se sont succédé ont essentiellement permis d’améliorer le fonctionnement des téléphones portables. Ainsi, les réseaux mobiles de première génération utilisaient des systèmes analogiques dont la bande passante était tout juste suffisante pour passer un coup de téléphone. Introduite au début des années 90, la 2G fut la première technologie mobile numérique, suivie à la fin de la décennie par la 3G, qui a permis aux portables d’échanger des courriels et d’accéder, de façon encore rudimentaire, à Internet.

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Il a fallu attendre l’adoption de la 4G en 2008 pour que les smartphones puissent démontrer toutes leurs capacités : cette technologie a ouvert la voie au développement d’applis mobiles dédiées aux smartphones, à la prolifération des services multimédias et du streaming, ainsi qu’à l’accès à Internet haut débit en déplacement.

Avec le récent déploiement des réseaux 5G, une nouvelle génération de technologie mobile est pour la première fois créée dans le but de répondre, non plus aux exigences des utilisateurs de smartphones, mais aux besoins des machines et des systèmes. Le plan défini par l’industrie des télécommunications pour la 5G a prévu à cet effet des avancées techniques selon trois axes majeurs :

  • La latence, la fiabilité et le déterminisme
  • La densité des connexions
  • La bande passante et le débit de transfert des données.

L’amélioration des performances de ces paramètres a pour objectif de rendre possible la surveillance et le contrôle en temps réel d’une haute densité d’appareils communiquant ensemble simultanément. Dans une ville connectée par exemple, la 5G doit permettre, en temps réel, d’afficher sur le système GPS des automobiles des informations relatives à la disponibilité des places de stationnement dans les rues voisines. Ce système de stationnement intelligent nécessite la connexion simultanée de milliers de caméras et capteurs de proximité, mais également de milliers de voitures présentes dans une zone délimitée qui seront chargées de transmettre en continu et en temps réel des données relatives à la disponibilité des places de parking.

Les exigences d’une telle application en matière de latence, de densité et de largeur de bande sont satisfaites par trois améliorations technologiques intégrées aux spécifications de la norme 5G :

  • Les communications ultra fiables à faible latence (URLLC — Ultra-Reliable Low Latency Communications) pour les systèmes de contrôle en temps réel
  • Le haut débit mobile amélioré (eMBB — enhanced Mobile BroadaBand) pour la prise en charge de nouveaux cas d’usage liés à la bande passante, tels que la réalité augmentée et la réalité virtuelle (RA /RV)
  • Les communications de type machine/améliorées (eMTC — enhanced Machine-Type Communications) pour les réseaux sans fil étendu basse consommation

Ces caractéristiques permettent à la technologie 5G de répondre aux exigences des systèmes de commande industriels en matière de déterminisme en temps réel et de disponibilité à 99,9999 %, selon la règle des six 9 (99,9999%). Or, la plupart des utilisateurs de smartphones qui accèdent aux réseaux 2G, 3G ou 4G sont encore victimes de « points noirs » — c’est le nom des endroits où la couverture est faible, voire inexistante — et d’interruptions de la connectivité aussi occasionnelles qu’imprévisibles.

Face à ces impondérables, est-il réaliste d’envisager de déployer la technologie mobile pour connecter des machines industrielles critiques et sensibles au temps ?

Vers la fin de la boucle de courant 4-20 mA ?

Malgré l’arrivée en fanfare de la technologie 5G, les fonctions de contrôle de la plupart des installations industrielles modernes fonctionnent encore sur des liaisons câblées matures qui utilisent la boucle de courant 4 à 20 mA, une technologie fiable qui a fait ses preuves depuis les années 1950. Autrement dit, l’industrie a besoin de certitudes et n’entend pas courir le moindre risque s’agissant de la mise en œuvre de systèmes de contrôle essentiels pour la sécurité et les missions à accomplir.

Mais il est difficile de repousser éternellement les vagues du changement, et les innovations intégrées aux environnements industriels donnent aux concepteurs de systèmes de contrôle de très bonnes raisons d’envisager le remplacement de cette bonne vieille technologie 4-20 mA. Alors que le concept Industrie 4.0 et d’autres phénomènes planétaires accélèrent le rythme d’évolution des usines, deux tendances favorisent l’introduction de nouvelles technologies de mise en réseau : primo, l’introduction de machines mobiles autonomes ; secundo, le développement d’installations de production plus flexibles permettant de répondre aux attentes croissantes des consommateurs, friands de produits personnalisés ou préconfigurés.

Dans les usines comme dans les entrepôts, le recours aux véhicules guidés autonomes (VGA), robots collaboratifs (cobots) et autres dispositifs mobiles autonomes permet d’augmenter efficacement les rendements et la productivité. Tandis que les systèmes automatisés se chargent d’exécuter les tâches les moins palpitantes et les plus répétitives, les opérateurs sont affectés à des opérations que les machines ne peuvent effectuer et qui génèrent une forte valeur ajoutée.

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Un robot mobile autonome

La nouvelle génération de dispositifs mobiles autonomes tels que les VGA nécessite une connexion sans fil capable de conjuguer une faible latence pour le contrôle en temps réel, un débit élevé pour acheminer les signaux transmis par toutes sortes de capteurs (scanners LIDAR et caméras vidéo, par exemple), et une immunité maximale aux interférences qui caractérisent les réseaux mobiles 5G.

Lorsqu’il remplace l’infrastructure câblée par des connexions sans fil, l’exploitant d’une usine bénéficie également de la souplesse dont il a besoin pour reconfigurer rapidement ses équipements et répondre aux nouvelles exigences d’un large éventail de consommateurs. L’essor du commerce électronique a fait naître chez ces derniers des exigences élevées, qu’il s’agisse de la livraison quasi instantanée de leurs commandes ou d’un choix de produits plus étendu que jamais. En outre, la possibilité de déplacer des équipements de production ou de process industriels plus rapidement et plus facilement est de plus en plus importante. En effet, une infrastructure de communications filaire fixe sera toujours moins souple qu’un réseau sans fil auquel ces équipements peuvent se connecter à partir de n’importe quel endroit. De plus, les réseaux sans fil contribuent à réduire le coût et amoindrir les difficultés techniques qui peuvent se produire lors de l’installation d’une infrastructure câblée.

À long terme, les exploitants d’usines bénéficieront des avantages inhérents à l’association des capacités de contrôle sans fil et des technologies de communication câblées existantes. Mais à plus brève échéance, la priorité porte sur les exigences suivantes :

  • un haut niveau de fiabilité et de disponibilité
  • une sécurité à toute épreuve
  • la robustesse nécessaire pour opérer dans les conditions industrielles difficiles
  • une latence ultra faible

Ces facteurs sont le secret de la longévité de la boucle 4-20 mA, standard incontournable des communications industrielles. Et même s’ils cherchent à la remplacer, les exploitants d’usines se concentrent pour l’instant sur la mise en œuvre des nouveaux réseaux sensibles au temps (TSN — Time Sensible Network) pour les communications filaires utilisant le protocole Ethernet industriel, au lieu de tout miser sur le sans-fil.

La technologie TSN s’est imposée comme le standard de référence pour les échanges de données filaires large bande en environnement industriel, car elle répond de façon idéale aux exigences de fiabilité, de robustesse, de haut débit et de faible latence (de l’ordre de quelques microsecondes), sans oublier une grande facilité d’intégration au réseau informatique existant.

Cerise sur le gâteau, la spécification TSN bénéficie d’un solide soutien industriel, ce qui accélère le développe d’un riche écosystème de fabricants de composants et de systèmes dédiés.

La technologie OpenRAN prépare le terrain pour la 5G

Parallèlement à la mise en place des réseaux sensibles au temps (TSN), l’amélioration des activités industrielles grâce au déploiement de réseaux sans fil fait également l’objet d’une évaluation poussée. Certains pionniers de la communauté industrielle ont déjà commencé à tester, valider et évaluer le fonctionnement des systèmes de connectivité 5G en environnement industriel tout en remplaçant les systèmes historiques à 4-20 mA par de nouveaux réseaux Ethernet TSN. Ce processus de validation permettra d’identifier les applications les mieux adaptées à la technologie 5G.

Les opérateurs d’usines commencent donc à tester les fonctionnalités novatrices de la spécification 5G, à savoir la capacité MIMO massive — c’est-à-dire l’utilisation de réseaux d’antennes pour fournir plusieurs chemins de transmission physiques entre un émetteur et un récepteur. Un réseau d’antennes peut être configuré de manière à former des faisceaux multi antennes qui émettent à destination de plusieurs récepteurs. Cette approche permet d’implémenter différentes techniques telles que le durcissement des canaux, la formation de faisceaux, la rapidité d’estimation des canaux et la diversité (spatiale) des antennes dans le but d’améliorer la fiabilité tout en réduisant la latence par rapport aux actuels réseaux 4G.

L’un des objectifs des développeurs de la norme 5G était de permettre aux réseaux sans fil d’atteindre une fiabilité pour la transmission de paquets de 99,9999 %, comparable à celle d’un réseau Ethernet câblé et équivalant à un taux d’erreur de paquets (PER) de 1:1 000 000. Une latence de seulement 1 ms est également possible, ce qui correspond à la limite imposée par de nombreuses applications de contrôle industriel.

Reste à savoir si de telles performances sont envisageables dans un environnement d’usine où les équipements de communications peuvent être exposés à de multiples sources d’interférences RF de grande amplitude, à des tensions transitoires ou à des températures élevées, entre autres perturbations.

En validant les performances réelles d’une installation 5G, les concepteurs de systèmes industriels peuvent bien sûr profiter de la couverture 5G fournie par les opérateurs de réseaux mobiles. Mais la norme 5G prévoit également la possibilité de mettre en place des systèmes privés — également appelés « réseaux non publics » — qui sont notamment déployés dans des campus industriels ou des complexes industriels de grandes dimensions. En fonction de ses exigences, chaque utilisateur industriel choisira un réseau public ou privé.

La mise en œuvre d’un réseau 5G dans une usine est également facilitée par les développements qu’apportent les opérateurs de réseaux mobiles à la spécification ouverte OpenRAN (Open Radio Access Network). En ouvrant le marché des équipements de base et radio 5G à un éventail élargi d’entreprises, en plus des fournisseurs traditionnellement actifs sur le marché des équipements de télécommunications, cette démarche élargit l’offre disponible afin de mieux répondre aux besoins différents de ceux des opérateurs de réseaux grand public tout en encourageant le développement de produits 5G par des spécialistes du marché industriel.

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Passionné par l'évolution de l’industrie, j’ai fondé ce site en 2017. Sa vocation ? Vous présenter les dernières nouveautés dans le domaine de la transformation digitale au sein de l'Industrie 4.0.

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